J'avais lâchement fui les révélations bien trop dures à entendre de Caleb, trouvant refuge sous la pluie battante à l'extérieur du bâtiment. En quelques secondes j'étais déjà trempée, mais peu m'importait... Je ne sentais que les larmes qui coulaient le long de mes joues, que mes entrailles qui se tordaient rien qu'en pensant à l'incroyable et difficile vérité. Mort. William, mon ami le plus proche, celui qui m'avait sauvé et sans qui je ne serais probablement pas là aujourd'hui... Mort. Quelque part loin de moi, sans que je n'ai pu le retrouver, sans que je n'ai pu lui dire à quel point il avait compté pour moi. Mort. Jamais plus je ne verrais son sourire, ses yeux rieurs. Il est mort. Le texan au grand cœur, celui qui avait toujours su trouver les mots pour me réconforter, celui qui avait tout donné pour qu'on puisse se construire un avenir meilleur, de nos propres mains...
Il était mort. Parti pour toujours. Et les sanglots n'arrivaient pas à passer la barrière de mes lèvres, alors que mon visage était totalement déformé par le chagrin. Je voulais qu'il revienne, je voulais qu'il me prenne dans ses bras, qu'il me murmure que tout irait bien et qu'il serait là pour moi. Je voulais le voir poser son stetson sur sa tignasse blonde, me faire un clin d'oeil et mimer avec lui un faux duel de cowboy. Il n'avait pas le droit d'être mort, pas le droit d'être parti alors que moi je restais ici. William, tu me l'avais promis. Je fixais l'horizon, comme si j'espérais le voir surgir des ombres. Tu m'avais promis de ne jamais m'abandonner... Je me mordais la lèvre inférieure. Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas l'être. Il ne se serait jamais fait attraper, lui qui nous avait prouvé que porter une prothèse, avec beaucoup de volonté, n'était qu'un handicap mineur dans ce monde plein de dangers.
Deux mains se posèrent sur mes épaules et m'obligèrent à me retourner pour faire face à leur propriétaire... Jennsen. Son regard était doux.. Elle savait que je souffrais. Et moi, je l'implorais, la suppliais du regard. Je voulais que William revienne, je ne voulais pas qu'il soit mort. Elle me serra contre elle, et ses paroles déclenchèrent une violente vague de sanglots totalement incontrôlables. J'avais envie de hurler ma peine, ma douleur... Mais je me contentais de mes pleurs, m'agrippant à mon amie comme à une bouée de sauvetage. Mon cœur était totalement compressé dans ma poitrine, et mes poumons semblaient refuser de s'oxygéner, à tel point que je commençais à en avoir du mal à respirer. Impossible de me calmer, le sol semblait même se dérober sous mes pieds, à tel point que Jenn dût s'accroupir tout en me tenant contre elle, alors que je sanglotais, les genoux au sol.
En cet instant, j'avais envie de mourir. Juste pour ne plus sentir cette douleur horrible, mes entrailles qui se tordaient, mon cœur compressé et qui battait à un rythme totalement irrégulier. Pourquoi j'étais celle qui restait, celle qui souffrait ? Pourquoi William était mort alors que de nous deux c'était bien le plus apte à survivre à un tel monde ? « Jenn.. » Sanglotais-je, m'agrippant plus fort à elle. Quelque chose dans mon regard s'était brisé. La petite flamme qui y dansait habituellement s'était éteinte, emportée par le chagrin et la douleur. J'avais mal, terriblement mal. La sœur de Victor m'intima avec douceur de me calmer, d'essayer de contrôler ma respiration, alors que je m'étouffais presque avec mes larmes. Petit à petit, au bout de quelques minutes, mes sanglots se tarirent, mon souffle redevint presque normal. Mes yeux rougis par les larmes fixaient l'horizon d'un regard absent, vide.
Le cowboy était parti pour un autre monde. Il avait probablement retrouvé Manami et leur enfant.. et moi, j'étais ici. Quelques larmes coulaient encore sur mes joues, se confondant avec la pluie qui nous tombait toujours dessus. Nous étions totalement trempées Jenn et moi.. mais je n'y prêtais pas attention. William était ailleurs, là où je ne pouvais ni le suivre ni le retrouver, et c'était tout ce à quoi je songeais en ce moment. Ma gorge était serrée, mon cœur cassé. William est mort. Et jamais je ne le reverrai.